L'expropriation pour cause d'Utilité publique
Ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014
relative à la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
La procédure d'expropriation
L'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dispose :
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé,
si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment,
et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
Aux termes de ces dispositions, il est impossible de déposséder une personne de son bien immobilier, sauf pour cause d'utilité publique et à la condition qu'une juste et préalable indemnité soit déterminée.
Le mécanisme d'expropriation correspond à cette exception.
L'expropriation est une procédure qui permet à la puissance publique de porter atteinte au droit de propriété en imposant à un propriétaire de céder son bien, dans un but d'utilité publique, moyennant le paiement d'une indemnité.
Un propriétaire peut se trouver dans l'obligation de céder son bien, dans le cadre d'une procédure d'expropriation traditionnelle, mais également dans le cadre d'une expropriation résultant d'un état de carence prononcé par le juge judiciaire.
L'expropriation traditionnelle
Les acteurs de l'expropriation
L'Etat, représenté par le préfet, dispose d'un monopole dans cette procédure d'expropriation : il est le seul à être titulaire du pouvoir d'exproprier.
L'Etat est l'auteur des actes administratifs dans le cadre de la phase administrative de l'expropriation.
Il a l'initiative :
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de l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ;
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de la déclaration d'utilité publique ;
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de l'ouverture de l'enquête parcellaire ;
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de l'arrêté de cessibilité
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de la saisine du juge de l'expropriation en vue d'obtenir l'ordonnance de transfert de propriété.
Toutefois, si l'Etat est le seul à disposer du pouvoir d'exproprier, il diffère des personnes habilitées à engager la procédure d'expropriation (l'expropriant).
L'expropriant demande à l'Etat d'utiliser son pouvoir d'expropriation, ce dernier restant libre de le mettre ou non en œuvre.
Ces personnes habilitées à engager la procédure d'expropriation, sont composées en grande partie, des personnes publiques - telles que l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ou encore les groupements d'intérêt public – et de manière plus exceptionnelle, des personnes privées à condition qu'elles soient investies d'une mission de service public.
Le but d'intérêt général
L'expropriation, pour être mise en œuvre, doit répondre à un but d'intérêt général d'une part, et doit être nécessaire d'autre part.
Autrement dit, est illégale toute expropriation qui ne poursuit pas un but d'intérêt général ou qui n'est pas nécessaire.
L'utilité publique est une notion contingente, difficile à déterminer. Cependant, le Conseil d'Etat a jugé que « une opération d'expropriation ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente » (Conseil d'Etat, Ass, 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du Logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville Nouvelle Est », req. 78825).
Le juge procède à un bilan coût-avantage afin de déterminer l'utilité publique d'une expropriation. L'opération d'expropriation doit présenter des avantages supérieurs aux inconvénients qu'elle engendre, pour être déclarée d'utilité publique.
Toutefois, pour qu'une opération soit légale, il ne suffit pas qu'elle poursuive un but d'intérêt général, qu'elle soit déclarée d'utilité publique. Celle-ci doit également être nécessaire.
Aux termes d'une jurisprudence constante, une opération d'expropriation doit être regardée comme nécessaire dès lors qu'aucune autre procédure ne peut être mise en œuvre pour arriver au même but. Par conséquent, lorsqu'une opération pouvait être réalisée dans des conditions équivalentes en utilisant d'autres moyens, le juge refuse de reconnaître la nécessité de l'expropriation (Conseil d'Etat, 16 janvier 2008, Communauté de l'Agglomération de MAUBEUGE, req. 283020).
Les phases de l'expropriation
La procédure d'expropriation est divisée en deux phases : une phase administrative d'une part, et une phase judiciaire, d'autre part.
La phase administrative
En premier lieu, la phase administrative de la procédure d'expropriation est partagée en deux étapes.
La première étape est constituée par l'adoption de la déclaration d'utilité publique (DUP). Cet acte est adopté à la suite d'une enquête publique prévue à l'article L.11-1 du Code de l'expropriation.
La DUP doit être adoptée dans un délai d'un an à compter de la clôture de l'enquête publique. Ce délai est porté à 18 mois lorsque l'utilité publique est déclarée par décret en Conseil d'Etat.
Cette DUP est adoptée par arrêté ministériel ou arrêté préfectoral conformément aux dispositions de l'article L.11-2 du Code de l'expropriation.
Le décret n°2004-127 du 9 février 2004 précise la répartition des compétences entre le préfet, le ministre et le Conseil d'Etat. Il ressort des dispositions de l'article R.11-1 du Code de l'expropriation que la DUP est adoptée par arrêté du ou des préfets du lieu des immeubles faisant l'objet de l'expropriation. Toutefois, pour les opérations réalisées dans la perspective d'installer des administrations centrales de l'Etat, des services centraux de l'Etat ou encore des services à compétence nationale, la DUP devra être adoptée par un arrêté ministériel. Les opérations devant faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat sont prévues à l'article R.11-2 du Code de l'expropriation.
La DUP entre en vigueur lorsqu'elle est régulièrement publiée et reste en vigueur pour une durée maximale de 5 ans, à l'exception des DUP prononcées en Conseil d'Etat pour lesquelles il n'existe pas de durée maximale de vigueur.
L'arrêté ou le décret déclarant l'utilité publique fixe les bénéficiaires de l'expropriation ainsi que les buts de cette dernière. L'arrêté ou le décret peuvent faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de sa publication, afin d'en obtenir l'annulation.
La deuxième étape de la phase administrative de la procédure d'expropriation est constituée par l'adoption d'un arrêté de cessibilité par le préfet conformément aux dispositions des articles L.11-8 et R.11-28 du Code de l'expropriation.
Comme la DUP, l'arrêté de cessibilité peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification du dit arrêté aux propriétaires.
Toutefois, cet arrêté ne suffit pas à entrainer l'expropriation des propriétaires. Ledit arrêté doit être transmis au juge de l'expropriation (juge judiciaire), dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle il a été pris conformément aux dispositions de l'article R.12-1 6° du Code de l'expropriation.
Dès lors que le juge de l'expropriation est saisi, on entre dans la deuxième phase de la procédure d'expropriation, la phase judiciaire.
La phase judiciaire
La phase judiciaire de l'expropriation est elle-même divisée en deux étapes.
Au titre de cette phase judiciaire, intervient le transfert de propriété. Ce transfert est prononcé par le juge de l'expropriation qui est un juge désigné parmi les membres du Tribunal de Grande Instance (autrement dit, c'est le juge judiciaire).
Le juge de l'expropriation est saisi uniquement par le préfet conformément à l'article L.12-1 du Code de l'expropriation. Ce juge a pour mission de valider l'arrêté de cessibilité et de prononcer le transfert de propriété.
Le juge doit adopter une ordonnance de transfert de propriété dans un délai de 15 jours à compter de la réception du dossier.
Une fois l'ordonnance prononcée, la propriété du bien est transférée au bénéficiaire de l'expropriation et les droits réels et personnels existants sur le bien objet de l'expropriation s'éteignent (articles L.12-1 et L.12-2 du Code de l'expropriation).
A compter de cette ordonnance, l'expropriant devient propriétaire du bien. Toutefois, le propriétaire initial peut demeurer dans son bien jusqu'au paiement ou la consignation de l'indemnité.
Cette ordonnance peut faire l'objet d'un recours en cassation conformément aux dispositions de l'article L.12-5 du Code de l'expropriation, pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme. Le pourvoi doit être formé dans un délai de deux mois à partir de la date de notification de l'ordonnance.
Le transfert de propriété n'intervient pas seulement par voie d'ordonnance. Celui-ci peut également intervenir par voie amiable. Cette cession produira alors les mêmes effets qu'une ordonnance de transfert de propriété, mais elle devra cependant être considérée comme un contrat de droit privé.
Avant que le transfert de propriété soit prononcé, une juste et préalable indemnité doit être fixée. C'est le juge de l'expropriation, au titre de la phase judiciaire, qui détermine le montant de cette indemnité en tenant compte des suggestions de l'expert qui s'est déplacé sur les lieux.
L'indemnité est préalable car elle est déterminée avant que l'ordonnance de transfert de propriété soit adoptée. De ce fait, l'exproprié peut rester dans son bien jusqu'au paiement ou à la consignation de ladite indemnité.
Le jugement fixant le montant de l'indemnité peut faire l'objet d'un appel ainsi que d'un recours en cassation.
(Source : http://www.avocat-achour.fr/avocat-droit-expropriation.php)
Le Juge de l'Expropriation procède en deux étapes puisque dans un premier temps il rend l'ordonnance d'expropriation et d'autre part dans un deuxième temps fixe les indemnités.
L'ordonnance d'expropriation:
La première ordonnance est rendue par le Juge de l'Expropriation dans les 8 jours de la réception du dossier, mais ce délai n'est pas soumis à sanction.
Le Juge de l'Expropriation peut exercer uniquement un contrôle formel puisqu'il ne peut pas juger de l'opportunité de l'opération ni apprécier l'utilité publique du projet qui comme indiqué précédemment, relève du Tribunal Administratif.
Si le dossier est complet, le Juge de l'Expropriation rend l'ordonnance d'expropriation qui désigne le bien exproprié et le propriétaire concerné.
L'ordonnance d'expropriation porte transfert de propriété des biens au profit de l'expropriant et doit donc être publiée et notifiée.
Cette ordonnance peut être attaquée uniquement par le biais d'un recours en cassation dans un délai de 15 jours à compter de la réception par l'exproprié de la notification.
Cette ordonnance produit trois effets :
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Elle rend l'expropriant propriétaire des biens expropriés et ce même si l'exproprié peut encore garder matériellement la jouissance du bien.
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Elle entraîne l'extinction des droits réels et personnels qui affectent l'immeuble. Ainsi, un droit réel telle qu'une servitude conventionnelle s'éteint. Il en est de même des droits personnels qui sont par exemple les baux d'habitation ou des contrats d'occupation précaires.
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Elle ouvre droit à indemnisation de l'exproprié. Ce droit prend naissance sans qu'aucune formalité ne soit nécessaire.
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La fixation des indemnités:
Par cette ordonnance, le Juge de l'Expropriation doit fixer judiciairement les indemnités de l'exproprié et doit obligatoirement se rendre sur les lieux pour apprécier la valeur des biens.
Cette décision n'interviendra que si aucun accord amiable n'a été trouvé entre l'expropriant et l'exproprié.
Un tel accord est d'ailleurs possible tant qu'un jugement définitif n'aura pas été rendu.
Ce jugement peut faire l'objet d'un appel si l'expropriant ou l'exproprié estime que l'indemnisation est insuffisante.
Cet appel n'a aucun caractère suspensif, de sorte que le jugement rendu en première instance produit tous ses effets.
(Source : http://www.cda-strasbourg.org/expropriation.htm)