
Construction d'une infrastructure
Autorisations et compatibilité
D’une manière générale, l’espace consommé pour les infrastructures de transport routier est excessif et contribue à dévaloriser l’espace public.
Par ailleurs, ces infrastructures ont des effets directs sur l’environnement, tant au niveau des sols (surcharge, pollution) que des cours d’eau (coupure, pollution) ou du paysage (franchissements, coupures, destruction de milieux naturels, augmentation des surfaces artificielles). Il y a également les effets induits sur la biodiversité (destruction et perturbation des habitats et des espèces), l’altération des habitats naturels par la pollution ou encore les collisions.
Selon la commission européenne, la dégradation des sols est un problème grave en Europe, qui se pose avec une intensité différente mais importante et croissante pour les 27 pays de l’UE. Elle estime que ces dégradations ont une incidence directe sur l'eau, l'air, la biodiversité et le changement climatique, mais aussi sur la santé de l’Homme et des animaux, et sur la sécurité sanitaire des denrées agricoles.
Selon la Commission, les sols européens se dégradent rapidement, en raison de pratiques agricoles et sylvicoles inadéquates, des impacts de l'expansion urbaine, industrielle, du tourisme et des «grands travaux » qui empêchent les sols de remplir les services écologique et agricoles qu’ils devraient ou pourraient rendre ; La perte de matière organique des sols diminue notamment leur fonction de puits de carbone, leur capacité de rétention hydrique et perturbe les cycles biogéochimiques (gaz et nutriments notamment) ainsi qu’une moindre dégradation de contaminants biodégradables... Cette dégradation se traduit aussi par une perte de fertilité et de biodiversité. La Commission Européenne a donc estimé que le contexte était favorable à une législation sur les sols, avec un projet de directive-cadre sur la protection des sols (en cours depuis 2006).
La France fait partie, selon l'Agence européenne pour l'environnement, des 3 pays européens
qui ont en 10 ans perdu le plus de sols agricoles (transformés en routes, immeubles, zones d'activité...)
L'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA) a signalé dans son rapport du 15 mai 2014 que « la fourchette de consommation moyenne de l’espace varie depuis l’an 2000 de 40 000 à 90 000 hectares par an » (soit près d'un stade de football toutes les 5 minutes ou d'un département français tous les 7 ans). L'étalement urbain et l'artificialisation des terres agricoles en France deviennent un sujet de préoccupation majeure. Le Ministre de l'Agriculture et porte-parole du Gouvernement a confirmé, le 15 mai 2015, « la priorité accordée à la protection des espaces agricoles et forestiers ».
Localement, on s'appuie sur des documents, plans et schéma; une opération ne doit remettre en cause ni les options fondamentales du schéma, ni la destination générale des sols.
Parmi ces documents, le SCoT (Schéma de COhérence Territorial) et le PLU (Plan Local d’Urbanisme) sont des documents d’urbanisme opposables(L 121-1 du code de l’Urbanisme). Ces documents sont généralement établis par des bureaux d’études selon un cahier des charges établi par une intercommunalité (SCOT) ou une commune (PLU).
Ils sont constitués de :
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documents non prescriptifs : Rapport de présentation - PADD;
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documents prescriptifs : DOG (ou DOO) + Schéma de secteur (facultatif) pour le ScoT, Règlement + Cartographie zonage + OAP (facultatif) + annexes pour le PLU.
Les documents prescriptifs le sont selon 3 degrés d’opposabilité :
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Conformité : s'apprécient selon les prescriptions = mesures à respecter strictement
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Compatibilité : s'apprécient selon les recommandations = mesures compatibles = non contrariété
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Prise en compte : mesures à ne pas négliger gravement
Opposable à l’administration – opposable aux tiers
Rapport de la cour des comptes 2013
Plaquette de Marseille Provence Métropole sur les espaces agricoles
L’évaluation des impacts sur les milieux naturels est le plus souvent formalisée dans le cadre de différentes procédures administratives nécessaires à l’autorisation du projet. Dans bien des cas, plusieurs autorisations successives sont nécessaires pour envisager la mise en œuvre du projet.
Pour un même projet, des mesures environnementales peuvent être définies au titre de plusieurs procédures administratives (par exemple déclaration d’utilité publique, autorisation au titre de la loi sur l’eau, dérogation « espèces protégées », autorisation de défrichement, évaluation des incidences au titre de Natura 2000, etc.). La préparation simultanée des procédures, lorsqu’elle est possible,tout en facilitant la conduite du projet par le maître d’ouvrage, permet de considérer les enjeux environnementaux de manière cohérente au plus tôt dans l’élaboration du projet.
Présentation des démarches d’évaluation environnementale et des principales procédures d’autorisation administratives :
Etudes d'impact
Dans le cas des projets devant être déclarés d’utilité publique, il est nécessaire de constituer un dossier (dit dossier DUP) dont le contenu est fixé par l’art. R.11-3 du code de l’expropriation. Ce dossier comprend notamment une notice explicative qui présente les aspects juridiques, matériels et géographiques de l’opération: dans ce cadre, elle doit anticiper et décrire l’ensemble des procédures d’autorisation administratives et démarches d’évaluation environnementales nécessaires à la réalisation du projet.
L’art. R.122-5 du CE prévoit dans le cas des infrastructures de transport visées aux 5° à 9°du tableau annexé à l’art. R.122-2 du CE, que l’étude d’impact comprend en outre:
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une analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l’urbanisation;
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une analyse des enjeux écologiques et des risques potentiels liés aux aménagements fonciers, agricoles et forestiers portant notamment sur la consommation des espaces agricoles, naturels ou forestiers induits par le projet, en fonction de l’ampleur des travaux prévisibles et de la sensibilité des milieux concernés;
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une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité. Cette analyse comprendra les principaux résultats commentés de l’analyse socio-économique lorsqu’elle est requise par l’article L. 1511-2 du code des transports;
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une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ;
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une description des hypothèses de trafic, des conditions de circulation et des méthodes de calcul utilisées pour les évaluer et en étudier les conséquences.
L’étude d’impact indique également les principes des mesures de protection contre les nuisances sonores, mis en œuvre en application des art. R.571-44 à R. 571-52 du CE.
Autorisation ou déclaration au titre de la Loi sur l'eau
Articles L. 214-1 Ã L. 214-6, L.216-1 Ã L. 216-2 et R. 214-1 Ã R. 214-5 du CE.
La procédure d’autorisation au titre de la loi sur l’eau concerne les projets susceptibles de présenter des dangers pour « la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l’existence des zones et périmètres institués pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques».
Un document décrivant les incidences du projet sur les milieux aquatiques est requis dans le cadre de ce régime d’encadrement (art. R.214-6 du CE pour la procédure d’autorisation.Sont soumis à ces procédures les Installations, Ouvrages, Travaux et Aménagements (IOTA) impactant les milieux aquatiques lorsqu’au moins l’un de leurs impacts figure dans la nomenclature « eau » (art. R.214-1 et annexes du CE).La nomenclature constitue une grille de lecture à multiples entrées du régime de police à laquelle est soumise une opération. Un même projet peut relever de plusieurs rubriques.
Dans le cadre de la procédure d’autorisation comme de déclaration, le document d’incidence doit préciser «s’il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées ».
L’autorisation au titre de la loi sur l’eau doit être obtenue pour la réalisation des travaux.
La police de l’eau s’applique à toutes les eaux superficielles, souterraines, domaniales ou non, aux eaux maritimes et littorales ainsi qu’aux milieux humides. Les continuités écologiques et les espèces dépendantes de ces milieux aquatiques sont également visées par la procédure.
Dérogation à la protection stricte des espèces
Articles L. 411-1 Ã L. 411-6, R.411-1 Ã R. 411-14 du CE.
Cette procédure vise à garantir le maintien des espèces «protégées» dans un état de conservation favorable dans leur aire de répartition naturelle.
La demande de dérogation à la protection stricte des espèces est exigée lorsque le projet:
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nécessite la capture temporaire ou définitive à d’autres fins que scientifiques d’animaux d’espèces pour lesquelles cette activité est interdite;
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entraîne la destruction d’œufs ou la destruction d’animaux d’espèces pour lesquelles ces activités sont interdites;
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entraîne la perturbation intentionnelle (définie par la circulaire du 21 janvier 2008 : «la perturbation intentionnelle s’entend, pour autant qu’elle puisse avoir un impact sur la biologie de l’espèce considérée, sa reproduction, et donc sur son état de conservation et son aire de répartition») d’animaux d’espèces pour lesquelles cette activité est interdite;
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entraîne la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction ou des aires de repos des animaux d’espèces pour lesquelles ces activités sont interdites (l’interdiction «porte sur les éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques.»)
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entraîne la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement à d’autres fins que scientifiques de végétaux d’espèces pour lesquelles ces activités sont interdites (interdictions non applicables aux opérations d’exploitation courante des fonds ruraux sur les parcelles habituellement cultivées);
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nécessite le transport, le colportage, l’utilisation, la détention, la mise en vente, la vente ou l’achat d’animaux ou de végétaux d’espèces pour lesquelles ces activités sont interdites.
Les habitats et espèces protégés sont listés par arrêtés ministériels et préfectoraux.
La dérogation doit être obtenue avant tout impact aux espèces et donc avant le début des travaux.
Participation du public: dans sa décision du 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a rappelé la nécessité de la participation du public à l’élaboration des décisions publiques. Pour les dérogations à la protection stricte des espèces, cette participation du public sera assurée à partir du 1er septembre 2013 par la mise à disposition du dossier.
Autorisation de défrichement
Articles L. 341-1 Ã L. 342-1 et R. 341-1 Ã R. 341-7 du code forestier (CF).
Le défrichement est «toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d’une servitude d’utilité publique.»
Les boisements sont une ressource sensible au niveau écologique car ils servent d’habitat pour une multitude d’espèces. « Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation.»
L’obtention de l’autorisation de défrichement doit se faire préalablement à l’obtention de toute autre autorisation.
Lorsque la réalisation d’une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l’exception de celle prévue par le titre Ier du livre V du code de l’environnement, nécessite également l’obtention d’une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative.
Rappels importants
Il existe un principe d’indépendance des législations et réglementations administratives. Une autorisation au titre d’une réglementation ne dispense pas de l’obtention d’une autorisation au titre d’une autre réglementation
Tout défaut d’Autorisation ou de Déclaration est passible de sanctions administratives (mise en demeure, consignation de fonds; obligation de remise en état des lieux...) et judiciaires (délits et contraventions).
Exemples:
Une opération de remblai en lit majeur de cours d’eau peut nécessiter une déclaration ou une autorisation au titre de la police de l’eau (code de l’environnement) + une déclaration ou un permis d’aménager au titre du code de l’urbanisme
Une opération de remblai en lit majeur de cours d’eau peut être autorisable au titre de la police de l’eau (code del’environnement) mais être interdite par le code de l’urbanisme (ex: cas de l’existence d’un Plan de Prévention du Risque Inondation qui interdit tout remblai en zone inondable = PPRI)